
Nestlé Waters, filiale du géant suisse de l’agroalimentaire, est sommée par les autorités françaises de retirer ses systèmes de microfiltration sur plusieurs de ses marques phares d’eau minérale : Perrier, Vittel, Contrex et Hépar. Cette décision fait suite à des révélations sur l’utilisation de traitements interdits, remettant en question la conformité de ces eaux avec leur statut d’« eau minérale naturelle ». Bien que Nestlé affirme la sécurité sanitaire de ses produits, cette affaire soulève des interrogations sur la transparence de l’industrie de l’eau en bouteille et la gestion des ressources hydriques.
Une mise en demeure inédite pour Nestlé Waters
Le 7 mai 2025, la préfecture du Gard a mis en demeure Nestlé Waters de retirer, dans un délai de deux mois, son système de microfiltration installé sur le site de Vergèze, d’où est issue l’eau minérale Perrier. Cette décision fait suite à des révélations sur l’utilisation de traitements interdits, tels que les ultraviolets et le charbon actif, remplacés ensuite par une microfiltration à 0,2 micron, également non autorisée pour les eaux minérales naturelles. La préfecture précise que les bouteilles commercialisées jusqu’à présent ne présentent aucun risque sanitaire pour les consommateurs.
Parallèlement, la préfecture des Vosges a émis une mise en demeure similaire pour les sites produisant Vittel, Contrex et Hépar, soulignant que ces pratiques contreviennent à la réglementation européenne sur les eaux minérales naturelles, qui interdit tout traitement modifiant la composition microbiologique de l’eau.
Nestlé Waters France a annoncé son intention de se conformer à ces demandes et de rechercher des solutions techniques pour maintenir l’exploitation de ses sites tout en respectant la législation en vigueur.
Des pratiques illégales révélées par des enquêtes
Les investigations menées depuis 2021 ont mis en lumière l’utilisation de traitements interdits par Nestlé Waters sur ses eaux minérales. Un rapport confidentiel de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), révélé en avril 2024, indique que la qualité sanitaire des eaux minérales de Nestlé n’est pas garantie, en raison de la présence de contaminants tels que des bactéries fécales, des pesticides et des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS).
Ces pratiques ont été justifiées par Nestlé par la nécessité d’assurer la sécurité alimentaire face à des contaminations croissantes des nappes phréatiques, attribuées aux changements climatiques et à l’activité humaine. Cependant, la réglementation européenne interdit tout traitement de désinfection sur les eaux minérales naturelles, afin de préserver leur pureté originelle.
En septembre 2024, Nestlé a accepté une convention judiciaire d’intérêt public avec le parquet d’Épinal, incluant une amende de 2 millions d’euros et un plan de mise en conformité supervisé par l’Office français de la biodiversité.
Conséquences économiques et sociales
La mise en demeure de retirer les systèmes de microfiltration a des implications économiques significatives pour Nestlé Waters et les régions concernées. Le site de Vergèze emploie environ 1 000 personnes, et toute interruption de la production pourrait avoir des répercussions sur l’emploi local. La présidente de la région Occitanie, Carole Delga, a souligné l’importance d’accompagner l’entreprise et ses salariés dans cette transition pour limiter les impacts sociaux.
De plus, la perte potentielle du statut d’« eau minérale naturelle » pour des marques emblématiques comme Perrier pourrait affecter leur positionnement sur le marché et la confiance des consommateurs. Des campagnes de contrôle accrues et une meilleure transparence sont désormais attendues pour restaurer la crédibilité de l’industrie de l’eau en bouteille.
Vers une refonte de la réglementation et de la gouvernance
Cette affaire met en lumière les lacunes de la réglementation actuelle et la nécessité d’une gouvernance plus rigoureuse dans le secteur de l’eau en bouteille. Le rapport d’une commission d’enquête sénatoriale, attendu le 19 mai 2025, devrait apporter des recommandations pour renforcer les contrôles et assurer la conformité des pratiques industrielles avec les normes sanitaires et environnementales.
Par ailleurs, des appels sont lancés pour une meilleure protection des ressources en eau, notamment en renforçant la surveillance des forages et en limitant les prélèvements dans les nappes phréatiques. La transparence des informations et la responsabilité des entreprises sont également au cœur des préoccupations, afin de garantir la qualité des produits et la confiance des consommateurs.
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