
L’Euro numérique, projet phare de la Banque centrale européenne (BCE), avance à grands pas. Conçu comme une version digitale de la monnaie fiduciaire, il vise à moderniser les paiements tout en renforçant la souveraineté monétaire de l’Union européenne. Alors que la phase de préparation touche à sa fin, les débats s’intensifient autour de ses implications économiques, technologiques et sociétales. Cet article fait le point sur l’état actuel du projet, ses objectifs, ses défis et ses perspectives.
Un projet stratégique pour l’autonomie européenne
Lancé officiellement en juillet 2021, le projet d’euro numérique s’inscrit dans une volonté de la BCE de proposer une monnaie digitale publique, complémentaire à l’euro physique. Selon Piero Cipollone, membre du directoire de la BCE, l’objectif principal est de « renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe » en matière de paiements, face à une dépendance croissante aux fournisseurs non européens.
Actuellement, une part significative des transactions électroniques dans la zone euro est traitée par des systèmes de paiement internationaux. Cette situation expose l’Union à des risques géopolitiques et économiques, notamment en cas de tensions internationales. L’euro numérique offrirait une alternative souveraine, sécurisée et accessible à tous les citoyens et entreprises de la zone euro.
Avancement du projet : une phase de préparation bien entamée
Depuis 2023, le projet est entré dans sa phase de préparation. Cette étape cruciale vise à définir les caractéristiques techniques et réglementaires de l’euro numérique. La BCE travaille en étroite collaboration avec des acteurs du secteur financier, des commerçants et des représentants des consommateurs pour élaborer un « recueil de règles » qui encadrera l’utilisation de cette nouvelle forme de monnaie.
Parmi les fonctionnalités envisagées, l’euro numérique devrait être utilisable en ligne et hors ligne, garantissant ainsi une résilience en cas de panne de réseau. Il serait également gratuit pour les usages de base, afin d’assurer une inclusion financière maximale. La protection de la vie privée est une priorité, avec des mécanismes prévus pour garantir la confidentialité des transactions, notamment pour les paiements de faible montant.
La BCE prévoit de finaliser cette phase de préparation d’ici fin 2025. Une décision sur le lancement officiel de l’euro numérique pourrait alors être prise, avec une mise en circulation potentielle à l’horizon 2026 ou 2027.
Défis et critiques : entre scepticisme et attentes
Malgré les avancées, le projet d’euro numérique suscite des interrogations. Certains craignent une disparition progressive de l’argent liquide. La BCE a toutefois réaffirmé son engagement à maintenir les espèces en circulation, soulignant leur rôle essentiel dans l’inclusion financière et la résilience des systèmes de paiement.
D’autres critiques portent sur la protection des données personnelles. Le Comité européen de la protection des données a recommandé que l’euro numérique offre des garanties de confidentialité comparables à celles des transactions en espèces. La BCE travaille donc à intégrer des mécanismes de pseudonymisation et des seuils de confidentialité pour rassurer les utilisateurs.
Enfin, des voix s’élèvent pour alerter sur les risques de déstabilisation du système bancaire. Une adoption massive de l’euro numérique pourrait entraîner une désintermédiation, avec des retraits massifs des dépôts bancaires traditionnels. Pour prévenir ce risque, la BCE envisage de fixer des plafonds de détention d’euros numériques par individu.
Vers une nouvelle ère des paiements en Europe
L’euro numérique représente une étape majeure dans la transformation des systèmes de paiement européens. En offrant une alternative publique aux solutions privées, il pourrait renforcer la souveraineté monétaire de l’Union et offrir aux citoyens une option de paiement moderne, sécurisée et respectueuse de la vie privée.
Cependant, son succès dépendra de la capacité des institutions européennes à répondre aux préoccupations légitimes des citoyens et des acteurs économiques. Une communication transparente, une réglementation adaptée et une collaboration étroite avec le secteur privé seront essentielles pour assurer une adoption réussie de l’euro numérique.
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