
Au cœur du Sahara algérien, l’agriculture a pris un tournant audacieux avec l’introduction de l’irrigation par pivot central. Cette technique a permis de transformer des étendues arides en terres fertiles, notamment pour la culture de la pomme de terre. Cependant, cette révolution agricole soulève des questions essentielles concernant la logistique, la productivité et la durabilité, en particulier en lien avec la surexploitation de la nappe albienne.
Défis logistiques de l’irrigation par pivot
L’irrigation par pivot central repose sur des systèmes rotatifs qui distribuent l’eau de manière uniforme sur des parcelles circulaires. Dans le Sahara algérien, notamment dans la région d’El Oued, cette technique a été adaptée avec ingéniosité. Des artisans locaux ont conçu des pivots d’irrigation artisanaux à moindre coût, favorisant ainsi leur adoption massive. Cette innovation a permis de surmonter les obstacles liés à l’importation de matériel coûteux et inadapté aux réalités locales. Cependant, la mise en place de ces systèmes nécessite des infrastructures spécifiques, telles que des forages profonds pour accéder à l’eau souterraine et des installations électriques pour alimenter les pompes. Ces exigences logistiques représentent un défi majeur, surtout dans des zones reculées.
Productivité et surfaces cultivées
L’adoption de l’irrigation par pivot a conduit à une augmentation notable des surfaces cultivées dans le Sahara algérien. Par exemple, dans la région d’El Oued, plus de 30 000 hectares sont dédiés à la culture de la pomme de terre, impliquant environ 47 000 agriculteurs. Cette région contribue à hauteur de 40 % de la production nationale de pommes de terre. Les rendements y sont impressionnants, atteignant jusqu’à 40 tonnes par pivot lors de la saison principale. Cependant, cette expansion rapide n’est pas sans conséquences. L’augmentation des surfaces irriguées exerce une pression accrue sur les ressources en eau, notamment la nappe albienne.
Durabilité du modèle et taux de renouvellement de la nappe albienne
La nappe albienne, l’une des plus vastes réserves d’eau souterraine au monde, s’étend sur environ un million de kilomètres carrés, couvrant l’Algérie, la Libye et la Tunisie. Elle contient plus de 50 000 milliards de mètres cubes d’eau. Cependant, cette ressource est considérée comme fossile, avec un taux de renouvellement extrêmement lent, estimé à environ 70 000 ans. Les prélèvements annuels dans cette nappe sont estimés à 2,75 milliards de mètres cubes, tandis que sa recharge naturelle n’est que de 1,4 milliard de mètres cubes par an, ce qui signifie que 60 % des prélèvements ne sont pas compensés. Cette surexploitation pose des questions cruciales sur la durabilité de l’agriculture saharienne irriguée par pivot.
Perspectives d’avenir
Face à ces défis, il est essentiel de repenser le modèle agricole saharien pour assurer sa durabilité. L’adoption de techniques d’irrigation plus économes en eau, comme le goutte-à-goutte, pourrait réduire la pression sur les ressources hydriques. De plus, la diversification des cultures, en privilégiant des espèces moins gourmandes en eau, contribuerait à une utilisation plus rationnelle de la ressource. Enfin, une gestion intégrée et concertée de la nappe albienne, impliquant les pays concernés, est indispensable pour préserver cette ressource stratégique pour les générations futures.
En somme, l’agriculture saharienne irriguée par pivot en Algérie représente une avancée notable en matière de développement agricole dans des zones arides. Cependant, sans une gestion réfléchie et durable des ressources en eau, notamment de la nappe albienne, ce modèle pourrait atteindre ses limites.
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