France Algérie : après la crise, le froid polaire s’installe entre Paris et Alger

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Sipa / © Christopher Furlong/AP

Les relations entre la France et l’Algérie connaissent une nouvelle période de tensions, marquée par des expulsions diplomatiques réciproques et des accusations d’ingérence. L’affaire Amir DZ, du nom de l’opposant algérien Amir Boukhors, a ravivé les tensions entre les deux pays. Alors que la presse française et le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau évoque un scandale d’État impliquant les services de renseignement algériens, Alger réfute toute implication dans cette affaire, la qualifiant de simple querelle entre voyous. Cette situation délicate pourrait entraîner une rupture diplomatique entre les deux nations.​

L’affaire Amir DZ : un catalyseur de tensions

En avril 2024, Amir Boukhors, connu sous le pseudonyme d’Amir DZ, un opposant algérien exilé en France depuis 2016 et bénéficiaire de l’asile politique depuis 2023, a été enlevé près de son domicile en région parisienne. Il affirme avoir été séquestré pendant 27 heures par des individus se faisant passer pour des policiers. L’enquête menée par la justice française a conduit à l’arrestation de trois ressortissants algériens, dont un agent consulaire du consulat d’Algérie à Créteil. Ces individus sont soupçonnés d’avoir participé à cet enlèvement, potentiellement orchestré par les services de renseignement algériens.​

La France considère cette affaire comme une atteinte grave à sa souveraineté, impliquant des agents d’un État étranger dans une opération clandestine sur son territoire. En réponse, Alger a expulsé 12 diplomates français, dénonçant une violation des conventions diplomatiques et affirmant que l’affaire Amir DZ relève d’une querelle entre voyous, sans implication étatique.​ De son côté, Paris a répliqué en expulsant 12 diplomates algériens et a rappelé son ambassadeur à Alger.

Une relation bilatérale déjà fragilisée

Les relations franco-algériennes étaient déjà tendues avant l’affaire Amir DZ. En juillet 2024, la France a exprimé son soutien au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, une position en contradiction avec celle de l’Algérie, qui soutient l’indépendance de ce territoire. Cette prise de position a été perçue par Alger comme un affront, entraînant le rappel de son ambassadeur à Paris.​

Par ailleurs, l’arrestation en novembre 2024 de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale », a suscité l’indignation en France. Le président Emmanuel Macron a appelé à sa libération, ce qui a été interprété par Alger comme une ingérence dans ses affaires intérieures.​

Ces événements s’inscrivent dans un contexte de méfiance mutuelle, alimentée par des différends historiques, notamment liés à la colonisation et à la guerre d’indépendance, ainsi que par des désaccords sur des questions contemporaines telles que l’immigration et la coopération sécuritaire.​

Des conséquences diplomatiques et économiques

La détérioration des relations entre la France et l’Algérie a des répercussions au-delà du domaine diplomatique. Sur le plan économique, les échanges commerciaux entre les deux pays ont connu une baisse significative. En 2024, les exportations françaises vers l’Algérie ont diminué de 30 %, notamment en raison de l’exclusion informelle des produits français des appels d’offres algériens.​

La coopération en matière de sécurité, essentielle dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, est également compromise. Les tensions actuelles entravent les échanges d’informations et la coordination entre les services de renseignement des deux pays, au moment où la région fait face à une recrudescence des activités jihadistes.​

Sur le plan migratoire, les désaccords persistent concernant le retour des ressortissants algériens en situation irrégulière en France. L’Algérie refuse d’accepter certains de ses ressortissants expulsés par la France, invoquant des préoccupations liées aux droits de l’homme et au respect des procédures légales.​

Vers une rupture diplomatique ?

L’affaire Amir DZ pourrait marquer un tournant décisif dans les relations franco-algériennes. La France insiste sur la nécessité de respecter sa souveraineté et ses institutions judiciaires, tandis que l’Algérie perçoit les actions françaises comme des provocations et des ingérences. La réciprocité des expulsions diplomatiques et le rappel des ambassadeurs des deux pays témoignent de la gravité de la crise actuelle.​

Malgré des tentatives de rapprochement, notamment la visite du ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot à Alger le 6 avril 2025, les tensions restent vives. Les perspectives d’une normalisation rapide des relations semblent incertaines, d’autant plus que les différends touchent des domaines sensibles et stratégiques pour les deux pays.​

La situation actuelle nécessite des efforts diplomatiques soutenus et une volonté politique des deux côtés pour éviter une rupture durable des relations. La France et l’Algérie, liées par une histoire commune complexe et des intérêts partagés, ont tout à gagner à rétablir un dialogue constructif et à surmonter leurs différends actuels.​

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