
Le 7 mai 2025, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi visant à réguler l’installation des médecins, dans le but de lutter contre les déserts médicaux. Cette mesure, portée par un groupe transpartisan de plus de 250 députés, suscite un vif débat au sein de la profession médicale et du gouvernement. Alors que certains y voient une réponse nécessaire aux inégalités d’accès aux soins, d’autres dénoncent une atteinte à la liberté d’installation des praticiens. L’examen du texte se poursuivra au Sénat à l’automne.
Une régulation inédite de l’installation des médecins
La proposition de loi, initiée par le député socialiste Guillaume Garot, vise à instaurer une autorisation préalable à l’installation des médecins, délivrée par les agences régionales de santé (ARS) après avis du conseil départemental de l’ordre des médecins. Dans les zones sous-dotées en professionnels de santé, cette autorisation serait accordée de droit. En revanche, dans les zones considérées comme sur-dotées, l’installation d’un nouveau médecin serait conditionnée au départ d’un confrère, par exemple en cas de retraite. Cette mesure concerne aussi bien les médecins libéraux que salariés.
En complément, le texte prévoit la création d’une formation de première année en études de médecine dans chaque département, la suppression de la majoration des tarifs pour les patients sans médecin traitant en raison d’une offre de soins insuffisante, et le rétablissement de la permanence des soins pour l’ensemble des médecins libéraux et salariés.
Une adoption à l’Assemblée malgré l’opposition du gouvernement
Le texte a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale par 99 voix contre 9, avec 10 abstentions. Il a reçu le soutien de députés de divers horizons politiques, allant de La France insoumise à une partie des Républicains. Le Rassemblement national s’est abstenu, espérant que le Sénat supprimera l’article 1 relatif à la régulation de l’installation des médecins.
Le gouvernement, par la voix du ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins, Yannick Neuder, s’est opposé à cette mesure, estimant que « le remède est pire que le mal ». Le ministre plaide pour une augmentation du nombre de médecins formés et la suppression du numerus apertus, ainsi que pour des incitations à l’installation dans les zones sous-dotées, comme l’obligation pour les médecins de consacrer jusqu’à deux jours par mois à ces territoires.
Une profession médicale divisée et en colère
La régulation de l’installation des médecins suscite une vive opposition au sein de la profession. Plusieurs syndicats de médecins et d’étudiants en médecine ont manifesté fin avril pour dénoncer une mesure qu’ils jugent coercitive et inefficace. L’Union Française pour une Médecine Libre Syndicat (UFMLS) a notamment alerté sur les risques d’abandons de carrière, d’expatriations et de changements d’orientation professionnelle.
Les internes et jeunes médecins, en particulier, se sentent visés par cette régulation, qu’ils perçoivent comme une entrave à leur liberté d’installation et une sanction pour les erreurs de planification passées. Ils rappellent que la désertification médicale est le résultat de politiques restrictives en matière de formation et d’installation, et que la solution ne peut pas reposer uniquement sur des mesures contraignantes.
Un avenir législatif incertain et des alternatives en débat
La proposition de loi doit désormais être examinée par le Sénat à partir de l’automne. Cependant, une autre initiative portée par le sénateur Philippe Mouiller (Les Républicains), visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires, est également en cours d’examen et bénéficie de la procédure accélérée engagée par le gouvernement. Ce texte, plus en phase avec la philosophie de l’exécutif, pourrait prendre de vitesse celui adopté à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, d’autres pistes sont envisagées pour lutter contre les déserts médicaux, telles que la création de maisons de santé pluridisciplinaires, le développement de la télémédecine, ou encore la mise en place d’un « service médical national » proposé par les doyens de faculté de médecine, qui obligerait les jeunes médecins à exercer temporairement dans les zones sous-dotées. Ces alternatives, combinant incitations et obligations, pourraient offrir des solutions plus équilibrées pour répondre aux besoins des territoires en manque de professionnels de santé.
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