
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) traverse une période critique. Privée de son principal bailleur de fonds, les États-Unis, l’agence onusienne annonce une vaste réorganisation et une vague de licenciements sans précédent. Cette décision, motivée par un déficit budgétaire massif, soulève des inquiétudes quant à la capacité de l’OMS à remplir ses missions essentielles en matière de santé publique mondiale.
Un retrait américain aux conséquences budgétaires majeures
Le retrait des États-Unis de l’OMS, effectif depuis janvier 2025, a entraîné une perte de financement estimée à 1,3 milliard de dollars, principalement sous forme de contributions volontaires affectées à des projets spécifiques. Pour les exercices 2024 et 2025, Washington n’a pas versé ses contributions statutaires, aggravant la situation financière de l’organisation. Selon le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, cette situation, combinée à la réduction de l’aide publique au développement par d’autres pays, engendre un déficit salarial de 560 à 650 millions de dollars pour le biennium 2026-2027, soit environ 25 % des coûts actuels du personnel.
Face à cette crise, l’OMS a réduit son budget pour 2026-2027 de 5,3 à 4,2 milliards de dollars. Malgré cette réduction, un déficit de 1,9 milliard subsiste, mettant en péril de nombreux programmes de santé essentiels.
Une restructuration profonde et des licenciements inévitables
Pour faire face à ces défis financiers, l’OMS a lancé une restructuration majeure. Le siège de l’organisation à Genève est particulièrement touché, avec une réduction de l’équipe de direction de 12 à 7 membres et une diminution du nombre de départements de 76 à 34 . Bien que le nombre exact de postes supprimés n’ait pas été précisé, Tedros Adhanom Ghebreyesus a reconnu que « nous dirons au revoir à un nombre significatif de collègues », tout en s’engageant à le faire « de manière humaine ».
Des mesures supplémentaires, telles que des départs anticipés à la retraite, ont été mises en place pour réduire les coûts. Les bureaux régionaux et certains bureaux nationaux dans des pays à revenu élevé sont également concernés par ces réductions.
Des programmes de santé mondiale menacés
La réduction du financement américain a des répercussions directes sur les programmes de santé mondiale. Selon l’OMS, la suspension du financement du programme américain de lutte contre le sida (PEPFAR) a entraîné l’arrêt immédiat des services de traitement, de dépistage et de prévention du VIH dans plus de 50 pays . De même, les efforts de lutte contre le paludisme sont compromis, avec des perturbations dans l’approvisionnement en diagnostics, médicaments et moustiquaires imprégnées d’insecticide. L’OMS estime que ces perturbations pourraient entraîner 15 millions de cas supplémentaires de paludisme et 107 000 décès additionnels cette année .
D’autres maladies, telles que la tuberculose, la rougeole et la polio, pourraient également connaître une recrudescence en raison de la réduction des programmes de vaccination et de surveillance. L’OMS alerte sur le risque d’anéantir des décennies de progrès en matière de santé publique mondiale.
Vers une redéfinition du financement de la santé mondiale
Cette crise met en lumière la dépendance de l’OMS à l’égard des contributions volontaires, souvent affectées à des projets spécifiques et sujettes à des fluctuations politiques. En 2022, les États membres de l’OMS ont convenu d’augmenter les contributions statutaires pour réduire cette dépendance. Ainsi, pour le biennium 2026-2027, l’OMS prévoit de recevoir 1,07 milliard de dollars en contributions statutaires, contre 746 millions sans cette augmentation.
Toutefois, cette mesure ne compense pas entièrement la perte du financement américain. L’OMS est donc contrainte de recentrer ses activités sur ses fonctions essentielles, telles que la surveillance des épidémies, la coordination des réponses aux urgences sanitaires et le soutien aux systèmes de santé des pays à revenu faible ou intermédiaire.
Cette situation soulève des questions sur la gouvernance et le financement de la santé mondiale. Elle pourrait inciter à une diversification des sources de financement, incluant des contributions accrues des pays émergents, du secteur privé et des philanthropes. Elle met également en évidence la nécessité de renforcer la résilience des institutions multilatérales face aux aléas politiques.
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