La Jordanie interdit les Frères musulmans : une rupture politique majeure

Jordanie frères musulmans
© AFP/Archives

La Jordanie a officiellement interdit les Frères musulmans ce 23 avril 2025, fermant leurs bureaux et interdisant toutes leurs activités. Cette décision marque une rupture décisive dans les relations entre le royaume et son opposition islamiste historique, accusée d’avoir préparé des actes de sabotage contre la sécurité nationale. Alors que le groupe nie toute implication violente.

Une interdiction totale motivée par des accusations de complot

Le ministre de l’Intérieur jordanien, Mazen Al-Farrayeh, a annoncé que le mouvement des Frères musulmans est désormais considéré comme illégal. Toutes ses activités politiques, sociales ou médiatiques sont interdites, et ses bureaux à travers le pays ont été fermés. Les autorités ont également ordonné la confiscation des biens du groupe, y compris ceux opérant sous d’autres noms ou en partenariat avec d’autres entités.​

Cette décision fait suite à l’arrestation, une semaine auparavant, de 16 personnes accusées de préparer des attaques à l’aide de roquettes, de drones et d’explosifs. Selon les autorités, ces individus auraient reçu un entraînement à l’étranger et étaient liés à des groupes interdits. Des aveux diffusés à la télévision d’État ont montré certains des accusés affirmant avoir été recrutés par les Frères musulmans.​

Le gouvernement affirme que ces actes visaient à déstabiliser le pays, menaçant l’unité nationale et l’ordre public. Le ministre Al-Farrayeh a souligné que toute promotion de l’idéologie des Frères musulmans serait désormais passible de poursuites judiciaires.​

Un mouvement enraciné dans la vie politique jordanienne

Les Frères musulmans sont présents en Jordanie depuis 1945 et ont longtemps été tolérés, voire soutenus, par la monarchie. Leur branche politique, le Front d’action islamique (FAI), fondée en 1992, a été la principale force d’opposition au Parlement. Lors des élections législatives de septembre 2024, le FAI a remporté 31 sièges sur 138, devenant ainsi le premier parti d’opposition, bien que les députés pro-gouvernementaux restent majoritaires.​

Malgré une décision de justice ordonnant sa dissolution en 2020 pour non-renouvellement de licence, le mouvement avait continué à opérer, notamment à travers des associations caritatives et des médias comme la chaîne Al-Yarmouk TV, fermée en 2024 pour diffusion sans licence.​

Le FAI avait suspendu trois de ses membres soupçonnés d’implication dans le complot récemment découvert, mais le gouvernement a considéré cette mesure comme insuffisante, justifiant ainsi l’interdiction totale du mouvement.​

Une décision aux implications régionales et internationales

La décision jordanienne intervient alors que le roi Abdallah II était en visite en Arabie saoudite, où il a rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane. Cette synchronisation a été interprétée par certains analystes comme un signal de coordination régionale, d’autant que les Frères musulmans sont également interdits en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, en Égypte et à Bahreïn.​

La Jordanie, alliée clé de l’Occident et perçue comme un pilier de stabilité au Moyen-Orient, semble ainsi s’aligner sur une politique régionale plus ferme à l’égard des mouvements islamistes. Cette décision pourrait également renforcer les relations du royaume avec ses partenaires du Golfe, en particulier dans le contexte des tensions persistantes au Moyen-Orient.​

Un tournant pour le pluralisme politique jordanien

L’interdiction des Frères musulmans soulève des questions sur l’avenir du pluralisme politique en Jordanie. Le mouvement, malgré ses critiques envers le gouvernement, a longtemps participé au processus démocratique, offrant une alternative politique au sein du système monarchique. Sa disparition du paysage politique pourrait laisser un vide difficile à combler, notamment pour les électeurs de sensibilité islamiste.​

Des observateurs s’interrogent sur la capacité du royaume à maintenir un équilibre entre sécurité et ouverture politique. La répression de l’opposition pourrait engendrer des tensions internes, surtout si d’autres groupes politiques perçoivent cette décision comme un précédent inquiétant. Par ailleurs, la communauté internationale suivra de près l’évolution de la situation, notamment en ce qui concerne les droits politiques et les libertés civiles en Jordanie.​

En somme, l’interdiction des Frères musulmans marque un tournant majeur dans la politique jordanienne. Si le gouvernement insiste sur la nécessité de préserver la sécurité nationale, cette décision pourrait avoir des répercussions profondes sur la dynamique politique du pays et sur sa réputation en tant que modèle de stabilité dans la région.​

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*