
À peine deux semaines après une tentative de réchauffement des relations, la France et l’Algérie replongent dans une crise diplomatique majeure. L’expulsion réciproque de douze agents consulaires marque une nouvelle escalade, sur fond de tensions migratoires, d’affaires judiciaires sensibles et de désaccords géopolitiques. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, prône désormais un « nouveau rapport de force » avec Alger, relançant le débat sur l’accord migratoire de 1968 et les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Cette crise illustre la fragilité persistante des relations franco-algériennes, marquées par une histoire complexe et des intérêts divergents.
Une crise diplomatique relancée par une affaire judiciaire
Le 15 avril 2025, la France a annoncé l’expulsion de douze agents consulaires algériens, en réponse à une mesure similaire prise par l’Algérie la veille. Cette décision fait suite à l’arrestation en France d’un agent consulaire algérien, suspecté d’implication dans l’enlèvement en avril 2024 de l’influenceur et opposant algérien Amir Boukhors, alias Amir DZ, bénéficiant de l’asile politique en France. Trois ressortissants algériens ont été mis en examen dans cette affaire, suscitant l’indignation d’Alger, qui a dénoncé une « humiliation » et une violation des conventions diplomatiques.
Cette affaire judiciaire a ravivé des tensions latentes entre les deux pays, déjà exacerbées par le soutien de la France au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, une position fermement rejetée par l’Algérie. En juillet 2024, Alger avait rappelé son ambassadeur à Paris en signe de protestation, marquant une détérioration supplémentaire des relations bilatérales.
Visas et OQTF : l’Algérie accusée de non-coopération
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a récemment déclaré qu’il était nécessaire de « monter en puissance » face à l’Algérie, accusée de refuser de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires à l’expulsion de ses ressortissants en situation irrégulière en France. En mars 2025, la France avait transmis à Alger une liste de 80 personnes à expulser en priorité, sans obtenir de réponse favorable.
Cette situation a conduit la France à réduire drastiquement le nombre de visas accordés aux Algériens depuis 2021, une mesure perçue comme une pression pour obtenir une meilleure coopération d’Alger en matière de réadmission de ses ressortissants. Cependant, cette politique a également suscité des critiques, certains y voyant une atteinte aux relations bilatérales et aux échanges humains entre les deux pays.
L’accord de 1968 : un texte de plus en plus contesté
L’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, régissant la circulation, l’emploi et le séjour des Algériens en France, est de plus en plus remis en question. Ce texte, qui accorde des avantages spécifiques aux ressortissants algériens, est considéré par certains comme déséquilibré et inadapté aux réalités actuelles.
Bruno Retailleau, alors sénateur, avait déjà proposé en 2023 de dénoncer cet accord, le qualifiant de « droit automatique à l’immigration ». Des personnalités politiques, comme Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie, ont également critiqué cet accord, estimant qu’il confère un statut privilégié aux Algériens sans réciprocité pour les Français en Algérie.
Malgré plusieurs révisions (1985, 1994, 2001), l’accord de 1968 continue de susciter des débats, notamment sur ses implications en matière de regroupement familial et de délivrance de titres de séjour. Sa dénonciation ou sa renégociation pourrait avoir des conséquences significatives sur les relations franco-algériennes et sur la communauté algérienne en France.
Une relation bilatérale en quête de stabilité
Les relations entre la France et l’Algérie sont marquées par une alternance de rapprochements et de crises, souvent liées à des questions mémorielles, migratoires ou géopolitiques. La récente tentative de réchauffement, symbolisée par un échange téléphonique entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune à l’occasion de l’Aïd el-Fitr, n’a pas suffi à prévenir la nouvelle escalade.
La coopération économique entre les deux pays est également en déclin, avec une réduction significative de la présence des entreprises françaises en Algérie, à l’exception notable des importations de gaz, représentant 5 à 6 milliards d’euros par an. Cette dépendance énergétique pourrait toutefois constituer un levier pour maintenir un dialogue constructif.
Dans ce contexte, la France et l’Algérie doivent trouver un équilibre entre fermeté et dialogue, afin d’éviter une détérioration durable de leurs relations. La gestion des questions migratoires, la révision éventuelle de l’accord de 1968 et la coopération judiciaire seront autant de défis à relever pour restaurer la confiance mutuelle et construire une relation bilatérale stable et équilibrée.
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